L'hypothèse extraterrestre est-elle "dépassée" ?

Gildas Bourdais (avril 2002)

 

Il est fréquent, notamment en France et dans les pays francophones, de considérer comme "dépassée" l'hypothèse extraterrestre classique, ou "HET", selon laquelle les ovnis seraient des véhicules construits par des visiteurs extraterrestres provenant d'un autre monde habité. On lui reproche de ne pas pouvoir expliquer l'ensemble des phénomènes constatés, et on lui oppose diverses autres hypothèses considérées comme plus "avancées", par exemple celle d'entité(s), ou intelligence(s) non-humaine(s), de voyageurs temporels ou venus d'une "autre dimension", de manifestations surnaturelles, ou au contraire des analyses sceptiques, "socio-psychologiques". Il faut bien avouer que les divers phénomènes liés peu ou prou aux ovnis forment aujourd'hui un ensemble si complexe, dont certains aspects sont si étranges, qu'il ne faut pas s'étonner de l'incertitude et de la confusion qui se sont peu à peu répandues en ufologie. Pour essayer d'y voir clair, je propose dans une première partie de faire un rapide retour en arrière pour survoler les étapes de cette évolution des idées, ce qui va m'obliger évidemment à les simplifier. Je rappellerai ensuite dans une seconde partie quelques arguments assez classiques, pour ou contre l'hypothèse extraterrestre, la plupart repris sans changement de mon premier livre sur les ovnis, Enquête sur l'existence d'êtres célestes et cosmiques, paru en 1994. J'espère que ces quelques pages seront encore utiles pour la poursuite du débat.

 

I - Chronologie des idées et des théories sur les ovnis

 

Essayons de décrire le plus simplement possible les différentes étapes, à peu près dans l'ordre chronologique, depuis la première grande vague des "soucoupes volantes" de 1947.

 

- Une constante : le scepticisme intellectuel et scientifique

 

Il ne faut pas perdre de vue que la tendance largement majoritaire, au moins dans le monde scientifique, intellectuel et médiatique, a été et reste le scepticisme. Cette tendance était "naturelle" en quelque sorte, mais il faut ajouter tout de suite que les autorités américaines ont très vite adopté une attitude de mise en doute systématique des ovnis. Celle-ci  a exercé une forte influence, non seulement aux Etats-Unis mais dans le monde entier. Beaucoup d'autres pays, notamment l'Union Soviétique, ont adopté pratiquement la même attitude. Sur le scepticisme, je renvoie à mon article Les sceptiques et leurs arguments qui figure sur le site ufocom (http://www.ufocom.org).

La situation est plus nuancée en ce qui concerne l'opinion publique, mais si l'on en croit les sondages faits aux Etats-Unis et dans les autres pays occidentaux, il n'y a jamais eu une majorité claire, dans aucun pays, pour admettre la réalité des ovnis en tant que phénomènes d'origine non-humaine. En revanche, il semble qu'une majorité se dessine actuellement en faveur de l'existence de civilisations extraterrestres, notamment à la faveur de la découverte de nombreuses planètes extrasolaires. On suppose à présent qu'il pourrait exister dans notre galaxie un milliard de planètes semblables à la nôtre ! Il faut bien voir, en tout cas, que l'HET est toujours l'hypothèse qui est envisagée dans le grand public et dans les médias lorsqu'on y évoque les ovnis.

 

- Les débuts de l'hypothèse extraterrestre, ou "HET"

 

Celle-ci apparut rapidement, après la première vague des "soucoupes volantes" de l'été 1947. Incidemment, les tenants d'explications "socio-psychologiques" ont avancé deux thèses contradictoires sur l'état des esprits à l'époque. Des auteurs comme Bertrand Méheust et Michel Meurger en France ont soutenu que les soucoupes volantes sont issues de la science-fiction. Il n'est pas douteux, en effet, que l'idée de visiteurs extraterrestres était déjà bien implantée à l'époque, et même avant la guerre dans les "pulps" de science-fiction. La célèbre panique déclenchée aux Etats-Unis en 1938 par Orson Welles, avec son adaptation radiophonique de la "Guerre des Mondes" de H.-G. Wells, en témoigne sans aucun doute possible. Cela n'a pas empêché certains sceptiques comme Pierre Lagrange de vouloir vider de son sens l'annonce de la découverte d'un "disque volant" par les aviateurs américains de Roswell, en 1947, car selon lui ils ne savaient pas de quoi ils parlaient. Certains ont même cité un sondage d'opinion de l'époque selon lequel personne n'avait évoqué des visiteurs extraterrestres à propos des soucoupes volantes, mais ils ont oublié de préciser que le sondage en question ne posait pas la question ! Quoi qu'il en soit, les spécialistes de la SF admettent généralement que la forme "soucoupe", si elle n'était pas absente, était peu répandue dans la vieille science-fiction. Les astronefs y étaient le plus souvent décrits comme des fusées.

 

Il est certain que l'apparition de ces fameuses "soucoupes volantes" aux performances extraordinaires fut une grosse surprise à l'époque, et que l'idée de visiteurs extraterrestres ne tarda pas à se répandre. Les sceptiques ont souligné que les documents militaires de l'époque, comme la fameuse lettre du général Twining du 23 septembre 1947, s'interrogeaient sur la nature de ces "disques volants". Les auteurs de ces documents se demandaient notamment s'il pourrait s'agir d'engins secrets, "domestiques" ou soviétiques.  Or nous savons bien aujourd'hui qu'il n'en était rien, en écartant l'hypothèse ridicule des soucoupes nazies, apparue bizarrement au début des années 50 et qui sent fort la désinformation. Il reste donc des témoignages et des descriptions remarquables qui sont parmi les éléments les plus solides du dossier ovni.

 

Ces documents ont aussi servi d'argument contre le crash de Roswell, car ils n'en parlaient pas. Le physicien Bruce Maccabee, qui est très compétent sur les problèmes de secret, ayant fait sa carrière dans la Marine, a clairement écarté cet argument. Selon lui, les sujets vraiment importants sont discutés directement entre les personnes impliquées. Il n'apparaissent pas dans des documents secrets, ou même très secrets, qui pourraient être lus par des gens n'ayant pas le need to know. Pour plus de détails sur ce débat, je renvoie le lecteur à mon livre OVNIS : la levée progressive du secret. (JMG Editions, 2001), ou à mon livre précédent, OVNIS : 50 ans de secret.

Ce qui est sûr, c'est que les mises en doute officielles commencèrent aussi dès cet été de 1947, à partir du démenti de Roswell, comme en témoigne la presse de l'époque. Cela est flagrant à la lecture des articles du New Nork Times. Il montrent un intérêt croissant dans les premier jours de juillet, mais après le démenti de Roswell publié en première page le 9 juillet, les observations sont tournées en ridicule et vite oubliées. La presse ne fit alors que suivre le discours officiel. Cependant, les ovnis continuant à se manifester, la question ne tarda pas à rebondir, dès 1948, ainsi que l'hypothèse extraterrestre.

 

Les ufologues commencèrent à se demander quelles étaient les intentions de ces "visiteurs". Etaient-ils hostiles, neutres ou bienveillants ? L'un des meilleurs enquêteurs américains des premières années, le major Donald Kehoe, pencha rapidement pour l'idée qu'ils étaient hostiles, compte tenu des premiers incidents connus, tels que la mort de l'aviateur Mantell en janvier 1948 . En revanche, apparurent dès le début des années 50 toute une série de "contactés", dont le plus connu reste George Adamski, qui racontèrent leurs rencontres  avec des extraterrestres bienveillants. Leurs descriptions de grands blonds "Vénusiens" connurent un large succès populaire, mais contribuèrent aussi efficacement à renforcer le camp des sceptiques, au point que la question d'opérations de manipulation reste posée. On a donc rapidement, dès les premières années, les deux tendances de base de l'HET initiale, les ET inquiétants et des ET bienveillants.

 

- La prise de conscience de la dimension historique

 

L'idée que la Terre ait pu être visitée par des extraterrestres au cours de notre histoire est apparue très vite. J'ai raconté cela dans mon premier livre, Enquête sur l'existence d'êtres célestes et cosmiques (1994). L'un des premiers auteurs fut le Russe Alexandre Kazantsev qui avança cette idée dès 1946, supposant même qu'ils avaient peut-être fondé nos grandes religions ! Idée qui fut reprise assez vite par une foule d'autres auteurs. Dès les années 50, ce furent notamment les Russes Agrest et Zaïtsev, l'Américain Morris Jessup, et le Britannique Desmond Leslie, coauteur d'un best-seller avec le contacté Adamski. L'idée se répandit aussi en France avec des auteurs comme Robert Charroux et surtout Paul Misraki qui signa sous le pseudonyme de Paul Thomas l'un des meilleurs livres sur ce sujet, Les extraterrestres (1962). Il faut citer également Erich Von Daniken, auteur de best-sellers mondiaux, qui est venu plus tard, dans les année 60. Mais Von Daniken ne croyait pas aux ovnis ! Un cas analogue, cette fois dans le monde scientifique, est celui du célèbre astronome américain Carl Sagan, qui avait admis lui aussi l'hypothèse de visiteurs anciens tout en rejetant les ovnis. On peut donc soutenir que cette hypothèse des visiteurs anciens a eu plus de succès que les ovnis eux mêmes. Par contre, pour l'astronome français André Brahic, les gens qui avancent de telles idées se déshonorent ! (dans son livre Les enfants du Soleil, paru en 1999).

 

- Les interprétations religieuses traditionnelles

 

Assez rapidement, encore une fois, apparurent des interprétations à caractère religieux, soit pour voir dans les phénomènes ovni des manifestations "angéliques", soit des manifestations "diaboliques". On a aussi beaucoup spéculé sur les ovnis comme signes annonciateurs de l'Apocalypse et de la "fin des temps". L'un des auteurs les plus connus sur cette voie est le pasteur et théologien protestant Barry Downing, dont le livre The Bible ans Flying Saucers date de 1968. Downing est un partisan des visiteurs "angéliques" alors que dans le monde protestant la tendance serait plutôt de voir dans les ovnis des manifestations diaboliques. On trouve aussi cette interprétation pessimiste parmi des auteurs français tels que Jean Robin (Les objets volants non identifiés ou la grande parodie, 1979) et Jean-Michel Lesage (La manipulation occulte, 1989). Ces points de vue gardent des partisans aujourd'hui, et ils nous amènent à évoquer la nombreuse famille des interprétations à caractère plus ou moins ésotérique.

 

Des interprétations para-religieuses et ésotériques

 

Pour comprendre comment des interprétations de type ésotérique ont commencé à se multiplier, disons à partir de la fin des années 50, il faut revenir un peu en arrière, et appréhender les aspects les plus déroutants de ce qu'on a alors commencé à appeler le "phénomène ovni". Des aspects très étranges étaient apparus notamment en France dès la grande vague de 1954. Celle-ci comportait de nombreuses "rencontres rapprochées" - les "RR3" selon la classification de l'astronome Hynek - qui paraissaient assez loufoques, et même absurdes. Aimé Michel, grand expert de cette vague, les avait qualifiées de "festival d'absurdités". Cette caractéristique se retrouve ailleurs, dans de nombreux pays, et elle amène tout naturellement l'idée de mises en scène et de manipulation des esprits. Manipulations, sans doute, mais par qui et pourquoi ?

 

 

Jacques Vallée et la mystérieuse "force de contrôle"

 

C'est à partir de là que des auteurs comme Jacques Vallée, et John Keel aux Etats-Unis (celui-ci peu connu en France bien qu'auteur lui aussi de nombreux livres, mais ils n'ont pas été traduits), suivis plus tard par de nombreux ufologues, notamment Jean Sider en France, se sont tournés vers des idées très ésotériques pour tenter d'expliquer l'ensemble des phénomènes.

Dans son livre Le collège invisible paru en 1975, Jacques Vallée a pour la première fois avancé l'idée que nous serions manipulés par une mystérieuse "force de contrôle", occulte, provenant d'une autre "dimension". Ses buts seraient obscurs et elle cacherait sa vraie nature. Elle s'emploierait, en mettant en scène des ovnis et des humanoïdes, à nous faire croire aux extraterrestres. Sans entrer dans les détail de cette curieuse idée, on peut au moins s'interroger sur sa logique. Les RR3 absurdes sont-elles là pour nous faire croire aux extraterrestres, ou au contraire pour nous détourner de cette idée en la ridiculisant ? En l'occurrence, si c'est là le véritable objectif, la manipulation a fort bien réussi étant donné que toute cette école de pensée a mis en doute l'hypothèse extraterrestre !

 

Vallée a ensuite mis l'accent sur l'idée de manipulation dans un livre particulièrement obscur et ambigu, Messengers of Deception (1979), publié en français en 1983 sous le titre La grande manipulation. Dans ce livre, un thème nouveau vient s'ajouter, celui de manipulation par des groupes humains, les "Manipulateurs", qui auraient pour buts de créer de nouvelles religions et de contrôler les pouvoirs politiques. Après une période de silence, il a publié une série de trois livres bien connus en France, reprenant tous ces thèmes : Dimensions (1988, 1989 en français) ; Confrontations (1989, 1990 en français); Révélations (1991, 1992 en français). Dans ces livres, Vallée s'est attaqué assez violemment aux nouveaux développements qui se produisaient alors aux Etats-Unis, tels que les révélations sur le secret et les témoignages d'enlèvements. Dans Révélations, Vallée n'a pas craint d'employer des arguments polémiques. Il a par exemple mis en doute l'existence de  la "Zone 51" en se demandant comment on y évacue les ordures ! (pp 71-72 de l'édition française).

 

Quoi qu'il en soit, un apport important des études de Jacques Vallée a été incontestablement de faire un rapprochement avec les mythes, les légendes et les croyances folkloriques du passé. Son livre majeur sur ce sujet est Passport to Magonia (1969), dont le titre français, Chronique des apparitions extraterrestres (1972) est un contresens, comme Vallée l'a signalé lui même, car c'est dans ce livre qu'il commençait à mettre sérieusement en doute l'HET ! Les idées de Vallée ont eu et ont encore une grosse influence en France, et elles ont contribué à masquer les développements nouveaux intervenus aux Etats-Unis. Anticipons un peu pour citer l'exemple de Jean Sider. Au contraire de Vallée, Sider a été le premier à révéler en France l'étendue de ces nouveaux aspects américains, notamment avec son livre Ultra-Top Secret (1991). Pourtant, il a fini par rejoindre lui aussi les idées de Vallée dans les années 90. Il a étudié notamment l'étrange affaire des observations de "bateaux volants" à la fin du 19eme siècle, et s'est rangé peu à peu à une vision analogue, écartant à son tour l'HET.

Ces manifestations "à haute étrangeté" de l'ufologie sont incontestablement très troublantes. On peut même dire qu'elles renforçent plus le point de vue des sceptiques que des partisans des ovnis, et c'est justement ce qui s'est produit, à partir fin des années 70. De nouveau, posons-nous la question : et si c'était là l'objectif de leurs auteurs ? Il faut placer ici cette montée du scepticisme avant d'évoquer d'autres idées de type ésotérique, apparues surtout au sein du mouvement "New Age".

 

L'essor des poins de vue sceptiques, "socio-psychologiques"

 

Le scepticisme fondé sur des analyses "socio-psychologiques" a gagné une place prépondérante en ufologie à partir de la fin des années 70, en France mais aussi dans d'autres pays. Ce qu'on appelait désormais le "phénomène ovni" était devenu trop bizarre et peu crédible. L'auteur français le plus lu a été Bertrand Méheust, avec ses livres Science-fiction et soucoupes volantes (1978), et Soucoupes volantes et folklore (1985). Méheust a appliqué la même approche sceptique au phénomène des enlèvements. Le représentant le plus médiatisé de cette tendance est sans doute le sociologue Pierre Lagrange, qui a été d'une habileté incontestable pour mettre en doute l'existence même des ovnis, sans jamais l'affirmer clairement.

On sait que, récemment, Méheust et Lagrange ont semblé revenir quelque peu sur leurs pas (ils étaient à leurs débuts convaincus de la réalité des ovnis !), et c'est peut-être le signe d'une nouvelle étape qui s'amorce. Mais ne nous réjouissons pas trop vite. Apparemment, les adeptes d'opinions très ésotériques à la Keel et Vallée cohabitent assez bien avec les tenants de la socio-psychologie. C'est ainsi que l'on retrouve Pierre Lagrange comme préfacier du premier livre de John Keel traduit en français, La prophétie des ombres (en anglais : The Mothman Prophecies, 1975). Ce livre, qui rapporte de vraies histoires à haute étrangeté, est présenté en France comme de la science-fiction. Il fait aussi l'objet d'un film qui va sortir prochainement, déjà commenté par le même Lagrange dans le magazine L'écran fantastique (avril 2001).

Mais passons vite à d'autres aspects, beaucoup plus intéressants, de cette évolution des idées.

 

Visions de médiums et "channels" du "New Age".

 

Les idées "New Age" ont connu un développement assez considérable aux Etats-Unis et dans le monde anglophone, un aspect dont on n'a peut-être pas pris toute la mesure en France, en dépit de l'abondance des ouvrages et revues ésotériques. D'ailleurs, le courant passe mal entre ces deux catégories, et les ovnis ne sont qu'un parent pauvre dans ces rayons bien achalandés. Pour ma part, je ne vais pas essayer de résumer ici les différentes idées qui sont apparues, nombreuses et souvent très complexes. Disons seulement que, en ce qui concerne les ovnis, ceux-ci se sont trouvés intégrés dans des visions où prédominent toutes sortes d'entités, qui sont souvent des êtres désincarnés, des maîtres spirituels "ascensionnés", mais aussi des êtres extraterrestres,  parlant par la voix des médiums et "channels" qui nous révèlent d'autres dimensions, plus spirituelles, vers lesquelles doit tendre l'humanité. On retrouve là l'idée, déjà rencontrée dans le domaine religieux, que les ovnis sont des signes, éventuellement des matérialisations, qui nous font entrevoir d'autres dimensions de plus haute spiritualité. On peut y rattacher aussi des interprétations des "expériences aux frontières de la mort" , comme l'a fait Kenneth Ring aux Etats-Unis.

Ces apports nouveaux sont difficiles à apprécier du fait de l'absence de preuves physiques, et de l'abondance considérable des textes et des messages, éventuellement contradictoires entre eux. On observe d'autre part le risque de messages trompeurs, comme dans les manifestations de type ovni. Il n'est pas facile d'en faire le tri. Cependant, on aurait bien tort des écarter complètement, de même que les messages reçus lors d'expériences d'enlèvement. Signalons un livre bien documenté et prudent sur ce problèmes des messages médiumniques, La conspiration de Stargate de Lynn Picknett et Clive Prince (1999, 2001 pour la traduction française), que j'ai présenté brièvement dans mon dernier livre.

 

Le retour de l'hypothèse extraterrestre

 

Mais que deviennent les extraterrestres dans tout cela ? Le point important à souligner ici, me semble-t-il, est que, contrairement aux idées de Keel et Vallée, ces approches plus "spirituelles" ne sont nullement exclusives de l'hypothèse extraterrestre. Il en est de même, d'ailleurs pour le domaine strictement religieux. En 1999, le Père Corrado Balducci, théologien italien réputé, l'a dit très clairement au symposium des ovnis de Saint-Marin, auquel j'ai assisté. Il a souligné l'importance de ne pas tout mélanger, extraterrestres et entités angéliques ou démoniaques. Or le Père Balducci est un spécialiste de démonologie au Vatican ! C'est aussi l'opinion, en France, du Père François Brune, qui est spécialiste de la communication avec les morts, appelée "transcommunication". Pour lui, les phénomènes de nature spirituelle ou surnaturelle n'excluent aucunement l'existence de visiteurs bien réels, d'origine extraterrestre.

 

Au symposium de Saint-Marin, le Père Balducci a eu ce mot extraordinaire sur les extraterrestres, devant une salle comble et silencieuse : "Ce n'est pas possible qu'ils soient plus bêtes que nous, et ce n'est pas possible qu'ils soient plus méchants que nous !" Peut-être a-t-il fait cette étonnante déclaration pour tenter de nous rassurer, car sont apparus vers les années 70-80 des développements nouveaux du dossier ovni qui ont fait revenir en force l'hypothèse extraterrestre, mais qui l'ont rendue aussi beaucoup plus inquiétante.

Ce sont, comme chacun sait, les témoignages d'enlèvements supposés à bord d'ovnis qui, d'abord rares dans les années 60-70, se sont multipliés au cours au cours des deux décennies suivantes, principalement - mais pas seulement - aux Etats-Unis. C'est d'autre part la vague des mutilations de bétail, qui a suivi un cours assez parallèle dans le temps, et qui n'est pas non plus une exclusivité américaine, contrairement à une opinion répandue. Il y a de nombreux indices qui permettent de relier ces aspects inquiétants aux ovnis, et ce sont des arguments puissants en faveur de l'hypothèse extraterrestre.

 

J'ai présenté ces aspects, enlèvements humains et mutilations animales, dans mes livres, en particulier dans le dernier, OVNI : la levée progressive du secret, et je ne vais pas le recopier ici. J'indique seulement que le lecteur y trouvera un revue assez complète des débats qui ont eu lieu depuis une vingtaine d'années.

Le dossier des enlèvements (au chapitre 6, pages 242 à 269) discute notamment les nombreuses critiques des sceptiques, et j'y soutiens, arguments à l'appui, qu'il s'agit d'un phénomène réel, avec des aspect très physiques, au moins dans de nombreux cas. En plus, il est manifeste que les enlèvements aux Etats-Unis y font l'objet d'une surveillance militaire. Sur les mutilations de bétail, toujours niées par les sceptiques, je propose en fin de seconde partie ma critique du livre sceptique de Yann Mège, Les chirurgiens furtifs.

 

 

Un autre facteur qui pèse de plus en plus lourd aujourd'hui, en dépit de détracteurs assez virulents, est la multiplication des témoignages sur des études très secrètes, encore une fois principalement aux Etats-Unis. Tout cela semblait avoir pour origine l'affaire du crash de Roswell, mais l'on soupçonne maintenant que cela a commencé avant, au moins pendant la Seconde guerre mondiale. Quoi qu'il en soit, de très nombreux témoignages et documents  permettent d'affirmer qu'il y a de telles études secrètes sur les ovnis, aux Etats-Unis et dans quelques autres pays. En bref, on sait qu'il y a des véhicules, pilotés ou non, d'origine non humaine dans notre environnement, dont un petit nombre ont été accidentés et récupérés secrètement.

Pour ceux qui sont en manque d'informations sur ces aspects assez récents, je les renvoie là aussi à mon dernier livre OVNIS : la levée progressive du secret, dans lequel j'ai essayé de faire une revue critique de l'ensemble des témoins et des documents. De nouveaux témoignages sont encore apparus depuis, notamment ceux qui ont été présentés par le Dr Steven Greer, en mai 2001 à Washington, ainsi que dans son livre Disclosure et sur son site web www.DisclosureProject.org. Certains de ces témoins sont controversés, mais d'autres sont au contraire très crédibles.

 

L'hypothèse extraterrestre élargie

 

Tous ces aspects concourraient, évidemment, à remettre en selle la "vieille" hypothèse extraterrestre, en la mettant à jour et en l'élargissant pour intégrer ces aspects nouveaux, et c'est bien l'évolution qui s'est produite, principalement aux Etats-Unis et dans les pays anglophones. Un exemple typique de ce retournement est celui de Jerome Clark, l'un des piliers du Cufos (Center for UFO Studies, l'organisme créé par l'astronome Allen Hynek), revenu à l'hypothèse extraterrestre après s'en être écarté, comme nombre de ses collègues. Jerome Clark s'en est expliqué au symposium annuel du MUFON de 1988, dans son exposé dont le titre se passe de traduction :  The fall and rise of the extraterrestrial hypothesis. Citons-en le résumé qui figure dans les actes du symposium, où il évoque la "nouvelle ufologie" de Keel et Vallée :

 

Cette "nouvelle ufologie" est devenue une interprétation du phénomène OVNI qui en faisait une forme moderne d'expérience visionnaire. Mais de telles interprétations ont échoué à rendre compte adéquatement des indices (evidences) de plus en plus nombreux d'un phénomène physique, technologique, et apparemment extraterrestre. De plus, des événements bien documentés tels que l'incident de Roswell ont amené les ufologistes américains à reconsidérer l'idée discréditée d'une politique de secret (cover-up) du gouvernement américain. La "nouvelle ufologie" - quelquefois appelée "mixologie" - continue à dominer la recherche ufologique en Europe mais est n'est plus prise au sérieux aux Etats-Unis".

 

Cependant, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce retour de l'HET au premier degré a suscité et suscite encore des controverses. On peut lui reprocher de négliger à son tour bien des aspects étranges, qui ont ouvert la porte aux nombreuses interprétations de caractère "paranormal" ou ésotérique déjà mentionnées. Pour ma part, je crois qu'il faut se garder de prendre des positions radicales et exclusives. L'HET n'exclut pas la "haute étrangeté", et réciproquement. Cela n'avance nullement le débat de la tourner en dérision en la qualifiant d'hypothèse "tôles et boulons". Il y a longtemps que des scientifiques ont ouvert des perspectives extraordinaires en physique fondamentale qui amènent à envisager une HET "élargie" intégrant cette "super-physique", comme l'appelait l'astronome Pierre Guérin. En m'excusant, je renvoie encore le lecteur à mon dernier livre, où sont évoquées quelques unes des hypothèses sur la possibilité de voyages interstellaires qui permettraient de"dépasser" la vitesse de la lumière : trous noirs et trous de ver, supercordes et univers parallèle, warp drive d'Alcubierre et Van Den Broeck, antimatière, "énergie du point zéro"…

D'autre part, l'idée que nous soyons visités par des extraterrestres, et pour certains peut-être, depuis très longtemps,  n'exclut en aucune manière la possibilité que certains phénomènes soient d'un autre ordre, disons d'un ordre plus "spirituel". Enfin, n'oublions pas que l'une des causes de la confusion qui persiste aujourd'hui en est encore une fois la politique de désinformation mise en œuvre avec efficacité, principalement aux Etats-Unis, dont objectif premier est de mettre en doute l'hypothèse extraterrestre.

 

Les pièges nombreux de la désinformation

 

On ne peut que constater la mise en doute virulente de ces aspects nouveaux, apparus aux Etats-Unis dans les années 80, non seulement par les autorités américaines mais aussi, en dépit de la solidité des dossiers, par un certain nombre d'ufologues, en particulier européens. Une chose est sûre : ces nouveaux développements des années 80-90 ont fait l'objet d'un bombardement intensif de désinformation, directe, ou "amplifiante", selon l'expression très juste proposée par le rapport du Cometa.

 

Cette idée de désinformation "amplifiante" vient à l'esprit à propos de certaines rumeurs très inquiétantes qui ont été lancées par des personnages peu crédibles, à partir de la fin des années 80. Le plus connu était William Milton Cooper, devenu par la suite militant d'extrême droite et mort récemment dans un fusillade avec la police. Ces rumeurs ont donné naissance à toute une littérature "conspirationniste" selon laquelle le gouvernement américain et des agences très secrètes auraient "vendu" l'humanité à de dangereux extraterrestres, dans un marché de dupes. Il faut examiner ce genre de discours avec la plus grande circonspection, mais en n'oubliant pas que le rôle de la désinformation amplifiante est justement de nous détourner de certaines révélations qui, elles, pourraient bien être authentiques.

 

Parmi les pièges et fausses nouvelles en tous genres de cette désinformation "amplifiante", on aperçoit ce que je propose d'appeler le scénario du "canular démasqué" car on a l'impression dans plus d'un cas que les auteurs des canulars sont peut-être des agents des services secrets (aux effectifs considérables) ou simplement des collaborateurs extérieurs de ces services ! Au fond, pour démolir efficacement un canular, le plus simple n'est-il pas de le fabriquer soi-même ? Ce pourrait être le cas du soit disant crash d'un ovni en Russie, montré dans la vidéocassette des "secrets du KGB". Boris Chourinov, qui a enquêté à Moscou, a retrouvé la piste des auteurs du film : c'était un équipe américaine venue de Los Angeles, qui avait recruté du personnel et des acteurs à Moscou, soit disant pour un film de science-fiction. J'ai rencontré à Saint-Marin un ufologue américain qui connaissait un membre de cette équipe, et qui savait que l'un des ses amis proches était un agent secret. Ce pourrait aussi être le cas du film de "l'autopsie d'un extraterrestre de Roswell", comme je l'ai expliqué dans mon dernier livre OVNIS : la levée progressive du secret. Ces documents douteux ont fait le plus grand mal à l'ufologie. D'un autre côté, le film de l'autopsie pourrait aussi faire partie d'une politique plus subtile, à plus long terme, de sensibilisation progressive du public à la présence extraterrestre. C'est sur cette idée que je vais terminer mon petit tour d'horizon des spéculations sur ces ovnis qui restent toujours aussi mystérieux.

 

 

La levée progressive du secret

 

Je défends dans mon dernier livre l'idée que des efforts sont faits, avec des hauts et des bas, pour préparer peu à peu le public à la divulgation des secrets sur les ovnis. Les nombreux documents apparus depuis un certain nombre d'années, en particulier les documents surnommés "Majestic 12", qui comptent plus de deux mille pages et ce n'est pas fini, pourraient bien faire partie de cette démarche consistant à dévoiler certains secrets, mais en laissant planer le doute.

D'autre part, il y a des raisons de penser que les grands médias ont pu être mis à contribution. C'est déjà une longue histoire car l'idée avait été évoquée à propos du célèbre film de Steven Spielberg, Les rencontres du troisième type, diffusé en 1977. Un épisode récent pourrait être la diffusion en 1995, limitée à une région des Etats-Unis, d'une série d'émission de télévision produite par les studios Walt Disney, en liaison avec leur nouveau parc d'attraction à Orlando qui comporte toute une section sur les ovnis et la vie extraterrestre. Le patron de Disney en personne, Eisner, l'introduit avec une petite scène "amusante". Il est devant l'entrée d'une base militaire, et explique qu'il y a des secrets sur les ovnis. Il se propose alors d'entrer dans la base pour aller voir mais il est aussitôt arrêté par les gardes armés, et il se retourne pour expliquer que ce n'est pas encore l'heure ! Ensuite, après un historique classique, plusieurs ufologues se succèdent pour expliquer notamment la politique du secret, le crash de Roswell, et les enlèvements (avec Budd Hopkins et plusieurs témoins). On a supposé que cette série était un test d'opinion. Eh bien, il n'a fait aucune vague. L'émission de 1988 UFO Cover-Up ? Live ! était peut-être de même nature, et n'avait pas fait de grosses vagues non plus. Dans le même ordre d'idées, Steven Spielberg tourne actuellement une série de dix émissions d'une heure et demie chacune, sur le thème des ovnis et des enlèvements. La diffusion est annoncée pour la fin de l'année 2002 sur une chaîne câblée de science-fiction, mais on peut supposer qu'elle ne s'arrêtera pas là car c'est une production à très gros budget.

 

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